lundi 13 septembre 2010

Cinq nouveaux suicides à France Télécom

Cinq salariés de France Télécom se sont donné la mort en moins de quinze jours, tous hors de leur lieu de travail.

France Télécom traverse-t-elle une nouvelle crise ? C'est ce que laissent à penser les dernières statistiques en matière de suicides : cinq salariés se sont donné la mort en moins de quinze jours. Depuis le début de l'année, ce sont ainsi vingt-trois employés du groupe qui se sont suicidés et seize qui ont tenté de le faire, selon les syndicats.

"Ces chiffres sont énormes et dépassent déjà largement ceux des années de crise 2008 et 2009, pour lesquelles on avait enregistré respectivement dix-sept et dix-huit suicides, dénonce Patrick Ackermann, délégué syndical SUD-PTT, à l'origine de la création de l'Observatoire du stress et des mobilités forcées, en 2007, aux côtés de la CFE-CGC-UNSA. Mais nous devons encore attendre les résultats des enquêtes pour savoir si ces suicides sont liés au travail."

E-MAIL ACCUSATEUR

La direction, qui refuse de comptabiliser ces gestes suicidaires, a confirmé les cinq nouvelles morts. "A ce stade aucune corrélation ne peut être établie entre ces drames. Cependant nous allons procéder à des examens approfondis des situations professionnelles de chacun de ces salariés", a indiqué à l'AFP un porte-parole de la direction.

Quatre salariés travaillaient directement pour France Télécom, et un autre pour Equant, une filiale appartenant à 100 % à l'entreprise publique. Deux d'entre eux vivaient en région rennaise, un près de Toulouse, un autre dans le Nord et une salariée en région parisienne. Aucun ne s'est suicidé sur son lieu de travail, mais l'un d'entre eux, un conseiller accueil client, s'est jeté d'un pont après avoir quitté son travail. Le mari de l'une des victimes, cadre supérieure, a rédigé une lettre accusant l'entreprise d'être responsable du geste de son épouse. "Son mail incriminant la direction a fait le tour de l'entreprise et a suscité une forte émotion", raconte Patrick Ackermann.

UN MALAISE QUI PERDURE

Pour le délégué syndical, ces suicides rappellent que le malaise perdure au sein de l'entreprise de télécommunications, qui emploie cent mille personnes. "L'arrivée de Stéphane Richard à la tête de France Télécom a constitué une parenthèse dans la crise sociale que nous avons connue l'an dernier. Mais elle n'a pas marqué de rupture fondamentale au niveau des méthodes de management. La direction revient aujourd'hui à la charge pour poursuivre les suppressions d'emplois et les restructurations, même si elle ne fera pas d'annonces au niveau national", assure-t-il.

Pierre Morville, délégué syndical central CFE-CGC-UNSA, analyse quant à lui cette nouvelle vague noire comme la poursuite de la crise de l'an passé, le temps que les effets des mesures prises par l'entreprise se fassent sentir dans toutes les directions locales. "Les suicides ne vont pas s'arrêter miraculeusement, du jour au lendemain. Mais on est dans une autre situation qu'il y a un an : il y a un certain apaisement dans l'entreprise et le dialogue social a repris", assure le délégué syndical. Et de citer pour exemple, le gel des mobilités forcées et la diminution des réorganisations depuis le début de l'année, des améliorations notamment favorisées par la publication, le 21 mai, du rapport du cabinet Technologia sur la souffrance au travail dans le groupe.

Mais le temps du programme "It's time to move", qui obligeait les cadres à changer de métier ou de zone géographique tous les trois ans, n'est peut-être pas vraiment derrière les salariés. Selon Patrick Ackermann, "si on ne parle plus de mobilités forcées, en réalité, des cadres subissent encore des pressions pour bouger" : "Les réorganisations se font juste plus discrètement et surtout, elles recommencent petit à petit."

Audrey Garric

source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/09/10/cinq-nouveaux-suicides-en-quinze-jours-le-malaise-perdure-chez-france-telecom_1409659_3224.html

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